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Un Accord National Interprofessionnel sur le télétravail pour Noël ?

16.12.2020

Le télétravail, tel qu’il se négocie actuellement entre les partenaires sociaux, et qui prolonge l’Accord National Interprofessionnel du 19 juillet 2005, cherche à permettre l’adaptation du travail aux spécificités de l’entreprise, à son implantation géographique et au secteur d’activité… Revêtu d’un caractère volontaire incontournable, le télétravail constitue depuis 2005 une nouvelle possibilité d’exécuter sa prestation de travail.

Le télétravail sous-entend une pratique encadrée. Celle-ci existe depuis l’Accord Cadre Européen du 16 juillet 2002, et depuis 2005 en France. En Effet, l’Accord National Interprofessionnel du 19 juillet 2005 composé de 14 articles /6 pages (signé par la CFDT, la CGT, Force Ouvrière, la CFTC, la CFE-CGC / le MEDEF, la CGPME et l’UPA) en donne une définition et pose quelques principes dont le principal est que le télétravail doit faire l’objet, avant toute mise en œuvre d’un accord, de branche ou d’entreprise. L’ANI de 2005 définit ainsi le télétravail comme toute forme d’organisation du travail dans laquelle un travail qui aurait également pu être exécuté dans les locaux de l’employeur est effectué par un salarié hors de ces locaux de façon régulière et volontaire en utilisant les technologies de l’information et le « télétravailleur » comme toute personne salariée de l’entreprise qui effectue soit dès l’embauche, soit ultérieurement, du télétravail. (C. trav., art. L. 1222-9). Ensuite, dans ses principes l’ANI de 2005 précise que le télétravail revêt un caractère volontaire pour le salarié et l’employeur concernés, engagement se formalisant par écrit. De plus, le principe de réversibilité doit être précisé et organisé. Concernant l’organisation du télétravail, celle-ci doit être faite dans des conditions analogues en termes de durée, de mission, de productivité, d’accès à la formation (Etc.) et la vigilance doit être accrue en ce qu’il s’agit de la protection de la vie privée du télétravailleur. Enfin, l’employeur doit mettre à disposition du télétravailleur les différents équipements nécessaires au télétravail et doit veiller à ce que les règles relatives à la santé et à la sécurité soient respectées. De son côté, le salarié doit pouvoir mettre à disposition un lieu de travail dédié (respect du secret professionnel et de la confidentialité), avoir une connexion internet et remplir ses obligations en termes d’assurance responsabilité civile.

Si en 2005, le télétravail constituait « à la fois un moyen pour les entreprises de moderniser l’organisation du travail et un moyen pour les salariés de concilier vie professionnelle et vie sociale et de leur donner une plus grande autonomie dans l’accomplissement de leurs tâches » (Préambule de l’ANI de 2005), tout en tirant le meilleur parti du numérique, qu’en est-il aujourd’hui et pourquoi renégocier un nouvel accord ?

D’abord, parce que depuis les Ordonnances Macron de 2017, la mise en place du télétravail est « allégée ». Celui-ci doit être mis en place dans le cadre d’un accord collectif ou, à défaut, dans le cadre d’une charte élaborée par l’employeur après avis du comité social et économique, s’il existe. En l’absence d’accord collectif ou de charte, la mise en place du télétravail est possible par accord de gré à gré entre le salarié et l’employeur. Aux termes de la loi, l’accord collectif applicable ou, à défaut, la charte élaborée par l’employeur précise : 1° Les conditions de passage en télétravail, en particulier en cas d’épisode de pollution mentionné à l’article L. 223-1 du code de l’environnement, et les conditions de retour à une exécution du contrat de travail sans télétravail ; 2° Les modalités d’acceptation par le salarié des conditions de mise en œuvre du télétravail ; 3° Les modalités de contrôle du temps de travail ou de régulation de la charge de travail ; 4° La détermination des plages horaires durant lesquelles l’employeur peut habituellement contacter le salarié en télétravail ; 5° Les modalités d’accès des travailleurs handicapés à une organisation en télétravail afin de favoriser leur accès ou maintien dans l’emploi. Si les Ordonnances Macron facilitaient la mise en place du télétravail, de nouveaux enjeux allaient faire de ce thème, un sujet de négociation élargi. D’une part, la question des mobilités du travail, facteur de transition climatique et écologique (Cf. avis du CESE « Travail, Emploi et Mobilités » du 13 novembre 2019) et, d’autre part, la question de l’organisation du travail en cas de pandémie et de circonstances exceptionnelles.

En 2009, déjà, il fallait faire face à la pandémie de la grippe AH1N1, Les modalités s’organisaient autour de l’article L1222-11 du code du travail « En cas de circonstances exceptionnelles, notamment de menace d’épidémie, ou en cas de force majeure, la mise en œuvre du télétravail peut être considérée comme un aménagement du poste de travail rendu nécessaire pour permettre la continuité de l’activité de l’entreprise et garantir la protection des salariés ». Le critère le plus important pour la mise en œuvre du télétravail, le volontariat, disparait.

Autrement dit, le télétravail en cas de circonstances exceptionnelles correspond « à l’occupation, à la demande de l’employeur, du domicile du salarié à des fins professionnelles, et n’entre pas dans l’économie générale du contrat de travail » (Cour de Cassation, Chambre Sociale, 7 avril 2010).

Cette immixtion dans la vie privée des salariés s’est ainsi répandue, dès mars 2020 comme une trainée de poudre à la suite de l’exigence des deux confinements pour faire face à la crise de la Covid 19.  Créant des bouleversements tangibles sur les liens sociaux et les collectifs de travail, et sans ignorer le développement massif et bénéfique de nouvelles habitudes de travail à distance et des outils numériques, la réorganisation forcée de l’espace à domicile, de l’espace-temps, a cependant montré de nouvelles inégalités. Des inégalités d’espace, de temps, d’usage, de compétences et d’accès aux outils numériques ont ainsi vu le jour. La négociation d’un accord collectif d’entreprise intelligente et bienveillante à la fois permettra aux entreprises et aux salariés de décentraliser l’activité et produire des organisations plus horizontales, plus agiles et plus efficientes et de prendre en compte ces facteurs d’inégalité autant que faire se peut.

Fort de ce constat et pour répondre à la transposition d’un nouvel Accord Cadre Européen du 22 juin 2020, les organisations syndicales ont demandé l’ouverture d’une nouvelle négociation sur le télétravail pour sécuriser à nouveau la notion de volontariat et encadrer cette distinction du télétravail « classique », du télétravail pour « circonstances exceptionnelles ou force majeure », mais aussi prendre en compte la transition climatique et écologique et organiser l’attractivité des entreprises autour de ce thème.

Parmi les principales mesures de l’accord définitif (9 articles/ 19 pages) « ouvert à signature » jusqu’au 23 décembre :

  • L’éligibilité des postes au télétravail est laissée à la négociation interne à l’entreprise : l’accord précise en effet que la définition des critères d’éligibilité peut « utilement alimenter le dialogue social ». Le comité social et économique (CSE) « est consulté sur les décisions de l’employeur » à ce sujet.
  • Un accord entre salariés et employeur doit être mis en place pour déterminer la fréquence du télétravail.
  • Le principe du volontariat est confirmé, aussi bien sur le fait de télétravailler, que sur le nombre de jour par semaine où cela est effectif.
  • L’employeur restera responsable des accidents du salarié à son domicile, dans le cadre de son travail.
  • Les frais d’installation du poste de télétravail du salarié doivent être supportés par l’employeur. Faute de détails dans l’accord, cela est laissé à l’appréciation du dialogue social au sein de l’entreprise.

Le projet d’accord ajoute également des précisions sur la mise en place du télétravail en situation de crise (pandémie, catastrophes naturelles, destruction des locaux d’une entreprise). Portant aussi sur le télétravail classique, il vient compléter/amender l’ANI de 2005.

A ce jour, le MEDEF a recueilli la signature de la CFDT, CFTC, CFE-CGC et Force Ouvrière pour les organisations syndicales et de l’U2P et la CPME pour les organisations patronales, mais la CGT n’a pas souhaité le signer car l’organisation considère que les conditions de mise en œuvre du télétravail sont faites en dehors de toute référence normative ou prescriptive. Les organisations syndicales favorables, mais aussi la CGT, doivent encore recueillir le blanc-seing de leurs instances respectives et ont jusqu’au 23 décembre pour parapher le document. 

Puisse-t-on espérer que les 700 accords d’entreprises déjà signés sur le sujet se démultiplieront dans une majorité d’entreprises grâce à cette nouvelle signature et que cette nouvelle organisation du travail permettra d’articuler de manière optimale « travail » et « télétravail », cohésion d’équipe, responsabilités partagées dans les pratiques managériales, diagnostic partagé et un dialogue social, économique et environnemental soutenu et régulier.

Stéphanie Matteudi
Directrice Practice Formation et Dialogue Social chez Alixio